Montréal, le 25 juillet 2024 - Le chemsex, soit l’usage de drogues de synthèse en contexte sexuel - particulièrement le crystal meth, le GHB-GBL et la kétamine - est un enjeu qui prend de l’ampleur depuis plus de dix ans à Montréal, au Québec et partout ailleurs. Si la pratique est d’abord associée aux hommes gais et bisexuels et d’autres hommes qui ont des relations sexuelles avec des hommes (dits gbHARSAH), ainsi qu’aux personnes trans et non-binaires, elle est de plus en plus courante au sein d’autres populations marginalisées. Depuis la pandémie de COVID-19, une exacerbation du phénomène et de ses méfaits est constatée par l’ensemble des intervenant·es des milieux communautaires et de la santé. Les organismes en réduction des méfaits rapportent une augmentation significative dans leur distribution de matériel de consommation de crystal meth (1). La consommation de crystal meth à ciel ouvert et ses répercussions sont observables dans certains quartiers de Montréal, dont le Village.
À quelques jours du lancement des festivités de Fierté Montréal, des personnes expertes en la matière et dédiées au bien-être des communautés se regroupent pour pousser un Cri de ralliement. Notre but : faire reconnaître davantage l’enjeu selon une perspective de santé publique et d’intersectionnalité, afin de stimuler l’adaptation des services de soutien qui, eux, peinent à répondre adéquatement aux besoins pourtant grandissants et de plus en plus urgents.
En guise de première contribution de contenus, le Cri de ralliement propose des nouveaux outils, disponibles gratuitement sur le site web www.crideralliement.ca. Parmi ceux-ci, un guide intitulé 4 repères de chemsex destiné tant aux personnes qui consomment et/ou se rétablissent qu’à leurs proches, ainsi qu’aux intervenant·es et professionnel·les de la santé. Les 4 repères de chemsex répertorient de façon fluide les moments vécus et les besoins au fil d’un parcours de consommation de crystal meth et de chemsex. Des copies physiques seront distribuées lors des Journées communautaires de Fierté Montréal. De plus, le Cri de ralliement contribue à l’exposition de photographies PnP/chemsex: un spectre d’émotions, organisée en collaboration avec Fierté Montréal et dont le lancement est prévu le 1 août, de 18h à 20h, à la salle Le Réfectoire de l’Esplanade tranquille.
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Des recherches indiquent que cette pratique touche près de 10% des hommes de la diversité sexuelle alors que c’est moins de 1% de la population générale qui consomme du crystal meth (2, 3, 4).
Le chemsex et l’usage du crystal meth sont intimement liés à de plus grands impacts sur la santé sexuelle et mentale des personnes:
⅓ des gbHARSAH qui consomment du crystal meth trouvent que leur consommation est problématique (5).
40% des gbHARSAH qui pratiquent le chemsex se sentent déprimés vs. 25% de ceux qui ne consomment pas (6).
Les taux de VIH augmentent de 6.3% contre 2.1% dans la communauté gbHARSAH lorsque associés à l’utilisation de crystal meth (7).
Dans les cas de VIH/Sida et de l’utilisation de crystal meth, les populations marginalisées sont affectées de manière disproportionnée en raison du manque de services adaptés, ainsi que de la stigmatisation accrue (8).
Le risque de vivre un épisode psychotique découlant de la pratique du chemsex est présent, particulièrement pour les personnes consommant du crystal meth et pour celles ayant recours à l’injection (9).
Depuis la pandémie de COVID-19, la consommation de crystal de meth a significativement augmenté, devenant une drogue de choix (10).
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Samedi dernier avait lieu le deuxième Symposium international sur le chemsex à Munich, en marge de la conférence AIDS 2024. La première édition, organisée par la Chaire de recherche du Canada TRADIS (trajectoires, diversité, substances), avait eu lieu à Montréal en 2022. Paris dédiait récemment une journée entière au chemsex lors de sa Mission Métropolitaine de réduction des pratiques à risques au cours de laquelle l’Institut national de santé publique du Québec y présentait sa formation sur le sujet.
Inspirées par le militant David Stuart et les interventions novatrices menées au 56 Dean Street Clinic à Londres, de courageuses initiatives de santé communautaire ont été mises en place au Québec pour mieux répondre aux besoins des personnes pratiquant le chemsex. Et ce, malgré des conditions sous-optimales de financement et de soutien :
Les programmes KONTAK et Impakt chez AIDS Community Care Montreal, ainsi que l’organisme RÉZO, ont offert des services de réduction des méfaits spécifiquement auprès de cette communauté.
L’initiative de pairs-aidants Ça Prend Un Village lancée en 2020, a effectué de la sensibilisation sur cet enjeu.
Depuis 2 ans, le CRDM, service public en matière de dépendance, est l’hôte des ateliers SexualiT, un groupe de soutien hebdomadaire, créé en ses lieux dans le cadre d’un projet de maîtrise.
InterseXion, une communauté d’apprentissage est créée. Diverses formations voient le jour et sont offertes dans certains milieux sur une base volontaire.
Devant les constats réalisés autour du chemsex pendant la pandémie de COVID-19, quelques cliniques en santé sexuelle, comme les cliniques L’Actuel et du Quartier Latin, ont proposé sporadiquement des services psychosociaux. D’autres, comme la clinique L’Agora et le CHUM, offrent un leadership médical et une prise en charge.
Le manque de financement public, de reconnaissance et d’actions concertées, orientées spécifiquement autour du chemsex, de la santé LGBTQ+ et ses intersections complexifie la pérennité et la diversité de ces initiatives. Ce besoin de ressources spécialisées ou du moins la présence accrue de personnes intervenantes formées et culturellement compétentes à même les multiples lignes de services a été maintes fois décrié, sans pour autant être pris en compte par les services publics et privés en dépendance et santé urbaine.
Nous soutenons aujourd’hui différentes revendications qui permettraient d’améliorer dans l’immédiat la réponse à la situation actuelle du chemsex au Québec. Celles-ci font aussi écho à certaines recommandations recensées dans le rapport d’étude PnP dans la diversité de la Chaire TRADIS. Elles sont:
Reconnaître la pratique du PnP/chemsex comme un enjeu de santé publique et une considération sociale à part entière, à l’intersection des besoins de plusieurs populations dites marginalisées comme les communautés LGBTQ+, les personnes utilisatrices de drogues, les personnes migrantes, en situation d’itinérance et en situation de pauvreté.
Travailler à briser les silos entre les services publics qui n’abordent tour à tour qu’une partie des besoins, sans toutefois assurer le continuum nécessaire. Soutenir et pérenniser les innovations abordant le chemsex et qui mettent de l’avant la santé globale, notamment en assurant leur intégration dans les multiples lignes de services de santé.
Reconnaître l’incidence du manque de priorisation de cet enjeu sur la hausse des ITSS, la santé mentale, la cohabitation sociale et le bien-être communautaire. Conséquemment, soulager la pression intenable mise sur les quelques ressources qui s’y dédient bénévolement et reconnaître le caractère dangereusement précaire de la structure actuelle de soutien.
Encourager le développement de lignes directrices et de prise en charge globale au sein des milieux de soins.
Développer des solutions de financement public à l’intersection de la consommation de substances psychoactives et de la sexualité.
Encourager et soutenir les formations sur la consommation sexualisée et le chemsex dans les Centres de réadaptation en dépendance et dans les ressources certifiées en dépendance à travers la province. Normaliser l’intégration de l’intervention sexologique dans ces services.
Faire preuve de leadership en participant à la création d’un organisme d’expertise, de services et de bonnes pratiques dédié à l’enjeu du chemsex AVEC les personnes concernées par le chemsex et les expert·es de tous les milieux impliqués.
Parmi les membres impliqués dans le Cri de ralliement, nommons le comité exécutif en date d’aujourd’hui:
Jean-Sébastien Rousseau, leader communautaire
Jonathan Bacon, coordonnateur de la Chaire de recherche du Canada TRADIS, UQÀM et ex-L’Actuel
Daniel Jonathan Laroche, intervenant et leader communautaire
Yannick Gaudette, candidat au doctorat en travail social et étudiant-chercheur à la Chaire de recherche du Canada TRADIS, UQÀM
D’autres personnes et organisations s’impliquent activement et/ou ont contribué à l’essor du Cri:
Maxi Gaudette – Candidat·e au doctorat en santé publique, UdeM, Projet PnP & Consentement; et Assisant·e de recherche, Chemstory, Qollab
Maxime Blanchette, Travailleur social et professeur UQAT
Michel Martel, Travailleur social et sexologue
Patrice St-Amour, Chemstory (Qollab - Université de Montréal)
Vicky Deschâtelets et Jonathan Lamy-Canuel, intervenant.es CRDM
Clinique médicale L’Actuel
Clinique médicale du Quartier Latin
Clinique médicale L’Agora
Clinique médicale La Licorne
Sidep+
CIUSS de l’Est
DRSP, réduction des méfaits et maladies infectieuses
INSPQ
AIDQ
ACCM
AQPSUD
Rézo
Ça prend un village
Sphère Santé sexuelle
Sidalys
Maison Jean-Lapointe
Fosters
Demande d’information: crideralliement@gmail.com
Références
1. Dopamine, rapport d’activités 2023-2024: +125% de pipes de crystal distribuées, +11%-25% de consommation de crystal meth en site d’injection supervisée
2. Institut de la statistique du Québec. (2016). L’Enquête québécoise sur la santé de la population, 2014-2015 : pour en savoir plus sur la santé des Québécois – Résultats de la deuxième édition. https://statistique.quebec.ca/fr/fichier/enquete-quebecoise-sur-la-sante-de-la-population-2014-2015-pour-en-savoir-plus-sur-la-sante-des-quebecois-resultats-de-la-deuxieme-edition.pdf
3. https://www.cbrc.net/supporting_gbt2q_people_who_use_crystal_meth
4. Steven Maxwell, Maryam Shahmanesh, Mitzy Gafos, Chemsex behaviours among men who have sex with men: A systematic review of the literature, International Journal of Drug Policy, Volume 63, 2019, Pages 74-89, https://doi.org/10.1016/j.drugpo.2018.11.014
7. Aguilar, J. P., & Sen, S. (2013). The culture of methamphetamine: Reframing gay men's methamphetamine use. Journal of Human Behavior in the Social Environment, 23(3), 370–382. https://doi.org/10.1080/10911359.2013.764204
9. Moreno-Gámez L, Hernández-Huerta D, Lahera G. Chemsex and Psychosis: A Systematic Review. Behavioral Sciences. 2022; 12(12):516. https://doi.org/10.3390/bs12120516
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